Fin de la fabrication et de la distribution de visières anti-projection imprimées en 3D
Depuis le 26 mars 2020 et l’appel lancé alors sur les réseaux sociaux, le Fablab Technistub a su fédérer des makers parmi ses membres et au delà.
En raison du contexte sanitaire, il ne nous apparaissait pas raisonnable que chaque maker livre sa production de façon “anarchique” en se déplaçant dans tout le département malgré le confinement. Deux fois par semaine, nous avons donc organisé la collecte des visières produites par les makers ayant répondu à notre appel. Cela a permis de constituer un stock pour répondre rapidement aux demandes. Nous avons participé à plusieurs initiatives locales et nationales comme Visière solidaire 68, covid3D (covid3d.fr a annoncé le 15 mai que le site fermait définitivement) ou encore Entraide Makers Covid19.
Bilan
Au 15 mai, le bilan de l’opération dépasse toutes les espérances (cf. Infographie en fin de communiqué.).
Tout ce travail a permis de livrer des visières anti-projection au personnel soignant, aux personnels en première et seconde ligne, artisans, commerçants, entreprises, administrations, etc. Nous avons distribué les visières dans tout le département du Haut-Rhin, le Territoire de Belfort et même dans les Bouches-du-Rhône et la Suisse.
Arrêt de l’initiative pour les visières
Nous avons pourtant décidé d’arrêter la production et la distribution de visières. En effet, la situation a beaucoup évolué depuis le début de cette opération. Au début, nous étions en état d’urgence sanitaire absolue. Le personnel soignant n’avait pas de quoi se protéger convenablement alors qu’ils risquent jusqu’à leur vie même. Aucun organisme public ou privé n’était alors en mesure de fournir des protections. Diverses initiatives ont émergé de la communauté des makers et des fablabs et Technistub a apporté sa pierre à l’édifice.
Aujourd’hui, plusieurs raisons motivent notre décision :
- La demande a drastiquement baissé. Au plus fort de la crise, en mars et avril, le nombre de demandes était élevé et les makers avaient même du mal à suivre la cadence. La demande s’est alors ralentie progressivement jusqu’à l’annonce par le Président de la République de la fin progressive du confinement pour le 11 mai. De nombreuses entreprises ont alors fait des demandes pour préparer leur reprise d’activité. Cette seconde vague est désormais passée. Nous avons même réussi à rattraper la demande et clore toutes les demandes reçues vers le 8 mai. De nouvelles demandes arrivent encore mais en quantité bien moindre.
- Le contexte normatif n’est pas stabilisé. Malgré de nombreuses discussions suite à des circulaires et des réunions avec l’AFNOR, il apparaît que le contexte normatif n’est pas encore stabilisé. Jusqu’ici, en raison de l’état d’urgence sanitaire, l’AFNOR a assoupli les vérifications de conformité des équipements de protection individuels (EPI) mais malgré cela, il subsiste encore des incertitudes. La requalification en équipement anti-projection (EAP) ne permet pas de lever toutes les questions, même si une décharge a été signée à la livraison. En effet, sa valeur n’est pas garantie étant donnée qu’on peut considérer qu’elle est signée sous la contrainte d’une situation sanitaire altérant le consentement éclairé. Pour le fabricant, décharger sa responsabilité implique de le faire au profit de quelqu’un qui soit en capacité de l’assumer. La décharge est valable quand la personne qui la reçoit a été impliquée dans la conception ou qu’elle en a dressé le cahier des charges (sous-traitance) ou qu’elle a la capacité de tester la conformité du produit. Toutes ces considérations légales nécessitent d’être vérifiées et validées par des professionnels du droit.
- L’industrie prend le relais. Au début de notre opération, celle-ci n’était pas prête et il faut du temps pour que la machine se mette en route. Au contraire les makers et les fablabs (dont Technistub) ont été capables de mettre en oeuvre une usine géante pour fabriquer des milliers de visières par jour de façon distribuée en s’appuyant sur un bureau d’études tout aussi géant avec des makers prototypant des visières (et d’autres équipements) à un rythme avec lequel aucune entreprise ne pouvait rivaliser (cf. la vidéo de de synthèse sur la chaîne de Monsieur Bidouille.). Aujourd’hui, la situation a évolué. Il est désormais possible de trouver facilement des visières pour des prix raisonnables et accessibles au plus grand nombre (moins de 2€/pc). Ces visières ne sont pas imprimées en 3D mais fabriquées par injection plastique ou découpe LASER ; ces méthodes constituent des approchent techniques beaucoup plus pertinentes que la fabrication additive.
Pour fabriquer les visières, la plupart des makers ont poussé leurs équipements aux maximum de leurs possibilités mais, selon nous, les makers n’ont pas vocation à remplacer l’industrie et il est temps de laisser place à l’industrie pour qu’elle fournisse des équipements dont la conformité aura été validée et qui peut fournir en quantités importantes.
Conditions d’arrêt de la production
Dans le respect de la parole donnée, nous honorerons les demandes reçues, mais à partir de la publication du présent communiqué, nous redirigerons les demandes vers les industriels ou les groupes de makers toujours actifs, s’il en reste.
En cas de 2e vague et de demande à nouveau tellement importante que l’industrie serait submergée, nous reprendrions évidemment le flambeau.
Autres projets contre le covid-19
L’arrêt de la production et de la distribution de visières ne signifie pas pour autant que le Fablab arrête de s’investir contre le covid-19. Nous réfléchissons pour participer à d’autres projets pour lesquels des ressources techniques plus variées sont nécessaires.
Par exemple, Technistub participe déjà à un projet d’interfaçage de réseaux de sondes oxymétriques pour l’Hôpital.
Réouverture du fablab
Depuis le début du confinement, le Fablab est fermé. L’accalmie relative avec la fin de la production des visières permettra au fablab de préparer sa réouverture dans les semaines à venir pour accueillir les makers, entrepreneurs, étudiants et tous porteurs de projets pour leur permettre d’expérimenter, de prototyper et de concrétiser leurs idées.
Remerciements
Il ne faut pas oublier que pour pouvoir réaliser ce projet fou, nous avons bénéficié de l’aide de plusieurs structures. Nous avons reçu de l’aide sous diverses formes.
Nous avons reçu des dons de matériel, du PLA (Leroy Merlin Mulhouse, Wigi Diffusion, l’UHA et le CNRS) ou des feuilles plastiques (AG design, ville de Mulhouse et de Saint-Louis, Protechnic). Non content de nous faire un don de près de 100 Kg de PLA, l’UHA a également permis à certains de leurs personnels de répondre à notre appel et de produire des visières.
Nous avons également reçu des imprimantes 3D en prêt. La nef des sciences nous a prêté une imprimante 3D, Sémaphore nous en a prêté deux. En plus du PLA offert, Wigi Diffusion a également prêté 3 imprimantes 3D. Cela nous a permis d’augmenter notre capacité de production de façon significative.
Nous avons reçu un soutien financier de l’agence de participation citoyenne de la ville de Mulhouse et également de la communauté de communes Mulhouse Alsace Agglomération (m2A).
Nous avons enfin également reçu quelques dons de particuliers et d’artisans voulant aider et permettre l’achat de matériel comme les Vitrines de Saint-Louis.
Conclusion
Toutes les initiatives des makers et des fablabs partout en France ont eu un impact social extrêmement important. La tribune collective du réseau français des fablabs (co-signée par Technistub) montre à quel point la mobilisation est riche d’enseignements (tribune relayée sur plusieurs média comme Makery, Usbek & Rica ou le journal Le Monde).
La mobilisation de l’ensemble de la communauté des makers a été (et est encore) massive et rapide. La démonstration des revendications des makers et des fablabs a été apportée de façon éclatante. Les fablabs ne se substituent pas à l’industrie mais ils ont montré leur capacité à constituer un espace d’expérimentation flexible, distribué et connecté en réseau ! Gageons que ces capacités seront reconnues au delà de la crise du Covid-19 et que les institutions sauront s’en souvenir et permettront de favoriser l’installation de fablabs au sein d’écosystèmes industriels et numériques.
Nous remercions très chaleureusement tous ceux qui ont aidé et rendu possible l’ensemble de cette initiative.
MERCI.